un
agneau de prés salés
deux
kilos de beurre demi-sel
origan
poivre
persil
salicorne
échalotes
laurier
laitue
de mer séchée
foin
de prés salés
trois
poignées de varech noir (fucus...)
huile
de tournesol
Acheter
un agneau de prés salés, pas trop gras. Le meilleur choix serait de
prendre un Texel d'Ouessant, ou un Suffolk de l'ouest irlandais. Les
productions du Mont Saint-Michel ne sont pas non plus à dédaigner. Le
placer sur la broche.
Lui
bourrer le ventre avec un mélange fait pour moitié de foin récolté
en bordure de mer, et pour l'autre moitié, d'éléments aromatiques : Échalotes
épluchées, laurier, persil, goémons noirs, salicorne, origan, ce
dernier également récolté en bord de mer si possible. Coudre le
ventre du mouton avec un fil de cuisine résistant, voire avec un fil de
fer mince.
Incorporer
à deux kilos de beurre demi-sel, du persil, de la laitue de mer, du
poivre blanc, et de l'origan, et enduire l'agneau de ce beurre parfumé
sur toute la surface. Pour l'enduire commodément, le mouton aura été
suspendu dans un endroit frais, où il séjournera entre dix et dix-huit
heures dans son beurre avant de le cuire.
La
cuisson se mène au dessus d'un trou creusé dans la terre, ou d'un
tonneau ouvert en deux, emplis de braises vives. Le fin du fin est
d'utiliser du bois d'épaves ramassé sur la grève. Le tout est
d'éviter soigneusement les résineux qui fument et parfument.
Avant
de mettre le mouton à cuire, racler sommairement la couche de beurre
qui le recouvre, et le mettre au chaud dans une casserole avec une
louchée d'huile de tournesol. A l'aide d'un tampon de tissus placé au
bout d'un bâton, imbiber régulièrement l'agneau de ce mélange gras
pendant la cuisson.
Pour
tenir tout au long d'un méchoui, pas d'autre solution que de mettre en
perce un "cubi" de Côtes-du-Rhône, à choisir dans le
Cornas, le Saint-Joseph, le Saint-Péray ou le Tricastin (Valréas). |
Après
avoir détruit Carthage, les Romains semèrent du sel sur les ruines
encore fumantes de la cité, afin que rien ne repoussât après leur
passage. Heureusement, l'herbe revint, et les troupeaux purent paître
avec délectation une pâture bien relevée, et ça donnait en plus bon
goût à la viande. Si bien que de grandes caravanes se mirent à
traverser l'Afrique, pour que les éleveurs puissent faire pousser du
sel dans leurs prés.
Il
fallu attendre les Croisades, lorsque le noble chevalier Salaun de
Cérébos revint dans son fief près du Mont-Saint-Michel, où rien ne
subsistait, sinon quelques vaches faméliques, qui donnaient du beurre
salé. A Carthage, il avait goûté les moutons des prés salés, et il
s'imaginait qu'avec autant de mer devant chez lui, il pouvait aisément
adapter la méthode.
Commença
alors pour ses serfs un travail pénible. Il leur fallait en effet, deux
fois par jour, attendre la marée basse pour planter de la luzerne sur
les étendues provisoirement découvertes. Travail des plus dangereux,
car la mer dans cette contrée, remonte à la vitesse d'un cheval au
galop. (Ce dernier point n'a d'ailleurs rien à voir avec notre sujet,
personne n'ayant longtemps poursuivi l'idée de faire du cheval de prés
salés).
Depuis
cette époque, les moutons du Mont-Saint-Michel ont fait souche sur
toutes les prairies découvertes par la marée. Cela ne va pas sans
quelques problèmes de cohabitation avec certaines espèces marines,
comme l'oursin qui broute les mêmes herbiers, et gêne
considérablement les ovins. Certains oursins vont même jusqu'à se
faire friser les piquants, voire se les teindre, pour se dissimuler
habilement parmi les moutons.
Cela
ne va pas non plus sans risque : Les jours de grandes tempêtes, des
troupeaux entiers sont emportés au large par la mer déchaînée. C'est
alors un spectacle bien bel et étrange de voir des moutons sur la mer,
éparpillés au gré de la houle. Pour récupérer ces brebis perdues
les bergers nautiques utilisent une sorte de gaffe, nommée la houlette
et destinée aux mers qui moutonnent.
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