Tout
le monde se doute qu'il est ici question de la jeune femelle du canard,
et non de la bouteille de bière. A l'origine pourtant, c'est parce que
les Goths de Cantherbraü fabriquaient des outres à cervoise avec des
peaux de canettes que le mot s'est perpétué à travers les âges.
La
canette était donc très populaire chez les barbares, et pas seulement
pour la conservation de la bibine. Elle participait à toutes les fêtes
rituelles qu'elle égayait de son chant mélodieux, qui est l'ancêtre
du German Cancan. On plaçait la canette dans une caisse de bois percée
de trous, dans laquelle était placé un cylindre garni de plusieurs
lames tranchantes. Le musicien tournait de l'extérieur une manivelle
qui actionnait le cylindre, déclenchant ainsi les protestations sonores
de l'animal.
C'est
encore selon ce principe que fonctionnent les orgues de Barbarie, dont
le son nostalgique résonne parfois dans nos venelles. Certains Bavarois
voulurent utiliser les canettes en guise de trompette, tentatives qui
furent vite abandonnées, à cause des foisonnantes moustaches que
portaient les guerriers à cette époque.
Quand
les Romains envahirent les contrées barbares de Germanie, ils
marquèrent un temps d'arrêt en découvrant les canettes : N'allait on
pas leur refaire le coup du poulet gaulois ?
En
fait non, les Goths furent plus avisés. Découvrant la crainte sourde
de l'envahisseur à l'égard de leurs volailles, ils forcèrent le trait
en teignant les canettes en noir, en leur aiguisant les griffes et le
bec, en ébouriffant les plumes, et en plaçant des couronnes sur leurs
têtes.
Certains
allèrent même jusqu'à rajouter des têtes postiches pour renforcer
l'impression de terreur. C'est ainsi que la canette noire, à deux
têtes couronnées, est restée le symbole de la Barbarie, fièrement
porté sur les drapeaux régionaux, et décorant finement les chopes de
bière, juste retour des choses.