dix-huit
petits rougets de roches
six
gambas
trois
jeunes bulbes de fenouil
une
orange
deux
beaux oignons
500
grammes de très fines asperges vertes
six
rondelles de baguette
basilic
frais
origan
poivre
blanc
six
petits piments rouges
beurre
crème
fraîche
lait
huile
d'olive
Écailler
les rougets, les vider en mettant les foies de côté. Bien ôter les
branchies amères. Les éponger avec soin, et réserver dans une terrine
avec un peu d'huile d'olive, d'origan et de gros sel.
Pocher
rapidement les foies des rougets dans un peu de lait. Les malaxer avec
un peu de beurre (1/3 foies, 2/3 beurre environ) et une pointe de poivre
blanc. Réserver.
Cuire
en compote le fenouil, l'orange pelée à vif, et les oignons (compter
deux heures à feu moyen). Parfumer discrètement d'un peu de poivre et
d'origan. Une fois la préparation bien fondue, la passer à la passoire
fine. Remettre ensuite à réchauffer sans donner de bouillon, et
incorporer une bonne cuillerée de crème fraîche. Réserver au frais.
Cuire
les asperges cinq minutes environ dans de l'eau légèrement salée.
Ôter
la tête et la carapace des gambas en laissant le dernier anneau et la
queue. Les inciser par le dos jusqu'à environ la moitié de la chair.
Les pocher dans de l'eau bouillante salée, jusqu'à ce qu'elles se
"retroussent". Elles doivent rester un peu croquantes.
Frire
dix-huit feuilles de basilic en changeant les temps de bain pour obtenir
des nuances de teintes. Faire frire également les petits piments
ouverts en fleur, et débarrassés de leurs graines.
Avant
de servir, faire griller les rougets ainsi que les tranches de pain au
feu de bois.
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En assiettes individuelles :
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Répartir la purée sur la moitié de l'assiette
-
Poser les asperges froides sur l'autre partie, et les décorer avec le
basilic et le piment, en imitant une plante fleurie.
-
Poser une rondelle de baguette tartinée du beurre au foie et garnie
d'une gambas sur un "coin" de l'assiette.
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Déposer trois rougets bien chauds sur la purée glacée, et servir
aussitôt.
Au
risque d'étonner les caciques du goût classique, j'adore boire un
Sancerre rouge ou un rouge d'Anjou sur le rouget grillé, surtout quand
il est préparé au céleri et aux agrumes. Ou alors, dans un contexte
local, un rosé de la Côte d'Azur, choisi avec soin, sera
incontournable. Les Côtes de Duras et le Bellet blanc sont extra aussi.
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A
l'origine, le rouget vivait exclusivement dans un aquarium. On
l'appelait le poisson rouge. Puis un jour, partant en vacances, Monsieur
et Madame Morin, ne voulant pas emporter leur poisson dans l'hôtel qui
n'acceptait pas les animaux, abandonnèrent donc le pauvre animal sur
une plage, jetant le bébé avec l'eau du bain.
On
imagine sans peine la détresse du petit poisson, livré à un milieu
hostile et salé, dépourvu de son environnement familier d'algues en
plastique, de galions en vinyle, sans oublier les petits nains joyeux,
ou le plongeur sous-marin qui psalmodie son chapelet de bulles dans
l'eau glauque.
Longtemps
il aboya, et rongea sa laisse, car les misérables l'avaient entravé,
afin qu'il ne puisse les suivre jusqu'à l'hôtel du Pou Nerveux.
Puis,
réalisant qu'il lui faudrait désormais compter sur lui seul, il prit
son destin en nageoires. Je vous passe les questions domestiques du
logis et de la nourriture, car il sut s'adapter, mais de façon très
classique.
Plus
intéressante fut la façon dont il perpétua l'espèce. Seul poisson
rouge au milieu d'une faune de couleur gris-hostile, il lui fut bien
difficile de trouver une compagne. Par miracle une autre famille
indélicate se rendant à l'hôtel déversa non loin de son gîte une
poissonne rouge.
Dès
lors, ce fut une autre vie pour notre fretin. Il se marièrent et eurent
beaucoup d'alevins.
L'histoire
est belle, mais hélas, elle ne finit pas ainsi. Les alevins qui
naissaient proliféraient à la vitesse d'une marée au galop, et
dévoraient tout sur leur passage, au point qu'on les appela les
"piranhas rouges des mers".
Certains
étaient de véritables fauves mutants, s'acharnant en grognant sur
leurs proies. Tout le monde a reconnu les fameux et terribles rougets
grondins.
L'exemple
des rougets démontre bien l'équilibre fragile de la nature, et le
danger qu'il y a pour l'homme à intervenir dans l'écologie.
Il
est ensuite difficile d'enrayer la dissémination d'espèces trouvant un
terrain favorable à leur expansion. Les exemples sont nombreux, comme
le lapin en Australie, les poux à l'école, la jacinthe d'eau dans le
fleuve Congo, et les cornichons en de nombreux lieux.
Pour
se débarrasser des rougets, on a encore rien trouvé de mieux que la
grillade ou la soupe de poisson. Mais malgré tous nos efforts, rien n'y
fait, les plages se multiplient, où ces quenottes de la mer mordent
régulièrement les baigneurs.
L'industrie
dite alimentaire a pourtant contribué à l'éradication du rouget en
créant le surimi. Cette dernière denrée est constituée de déchets
divers, réduits en farine parfumée à l'extrait de glace pilée de
poissonnerie. Puis elle est
imbibée d'eau de mer et recouverte de peaux de rougets. Et c'est pas
bon. |