Depuis
l'origine du monde, le porc est le fidèle compagnon de l'homme, et
fréquemment celui de la femme. Porcus singularis se singularise par une
couleur rose, un groin souriant, des oreilles pointues et une queue en
tire-bouchon. C'est donc un animal désopilant à première vue.
On
l'imagine fort bien couvert d'un chapeau brillant en train de souffler
dans une trompette et de jeter des serpentins, afin de créer une
ambiance irrésistible et sophistiquée. On se demande alors pourquoi ce
brave animal a été supplanté par des chiens imbéciles et hargneux,
ou de sales chats, dans les pimpants logements de nos contemporains.
Autre
qualité du cochon, c'est un animal de goût, et même de très bon
goût lorsqu'il est salé. "Tout est bon dans le cochon", dit
le charcutier. "En dehors également", renchérissent le
maroquinier et le brossier-à-dents. "Allez vous faire voir",
insiste l'Imam, qui ne sait pas ce qu'il perd.
Lors
de la préhistoire, porcus singularis était sauvage. On ne trouvait pas
de tirelire représentant l'aimable omnivore. En effet, les hommes de
l'époque n'avaient pas d'argent.
Aujourd'hui,
le cochon est devenu un procédé industriel pour emmerder le monde dans
les quatre dimensions. Comme la tomate, il est élevé
"hors-sol", un peu comme des banlieusards dans les cités.
S'il leur prenait la fantaisie de vouloir tous sortir en même temps
dans la rue, il faudrait constituer des pyramides humaines ou porcines.
Si
bien que ces cochons produisent une quantité incroyable de lisier,
parvenant par l'inconscience radine des éleveurs, à empoisonner à la
fois l'air, la terre, et les cours d'eau, voire la couche d'ozone.
Bref,
le porcus, de singularis qu'il était, est devenu fâcheusement
pluralis.